[TOP100] « Cette crise accélère le mouvement de transformation » (Pauline Mispoulet, Groupe Socoda)

Stéphane Vigliandi
Image
Partager sur

L’ENTRETIEN…

GROUPE SOCODA • Pauline Mispoulet, présidente du directoire

ÉTAT DES LIEUX À FIN MAI (FIN JUIN) 2020

Pauline Mispoulet : Depuis le début de la crise sanitaire, c’est la branche du Bâtiment qui a le plus “souffert” avec des niveaux d’activité de 25 et 50 % en avril par rapport à la normale. Le pôle Industrie qui représente 43 % du chiffre d'affaires total du groupe en 2019 [Aciers 16 %, Outils Pro 15 %, Industrie 12 % : Ndlr] se situait entre 50 et 80 % d’activité. En mai, nous tablions sur une reprise d’activité dense en juin et juillet, et avons mis en place des plans de réapprovisionnement et organisé nos entreprises en conséquence. Nous avons bien fait car juin a été très dynamique et juillet devrait l’avoir été tout autant avant la trêve inévitable d’août.

DE LA RÉACTIVITÉ MALGRÉ TOUT

P. M. : Dès fin mars, 96 % des agences fonctionnaient dans les branches Électricité et Sanitaire-Chauffage en mode dégradé. Et fin avril, c’était 95 % des adhérents de nos deux branches qui étaient à nouveau opérationnels pour assurer les livraisons et le drive. Depuis le début de la crise, nos clients n’ont évidemment pas été du tout réceptifs aux actions commerciales quelle qu’en soit la forme. Ils ont surtout eu besoin de soutien opérationnel et d’informations que nous avons pu leur délivrer par nos canaux habituels. On peut même dire qu’avec les problématiques de transport, le stock à J-0 en drive a constitué un atout pour nos clients en leur assurant de la flexibilité et de la réactivité dans ce moment de grande désorganisation des chantiers.

DES CRAINTES SUR LES “APPROS” ?

P. M. : Dans nos sept branches, les niveaux de stock adhérents à J-0 sont encore satisfaisants. Au siège, les équipes Achats et Logistique ont mené des états de rapprochement permanent entre l’activité en agences et celle des fabricants partenaires pour évaluer les besoins en réapprovisionnement. Il fallait coûte que coûte donner un peu de visibilité à nos 1 000 fournisseurs. Aujourd’hui, nous avons des trésoreries en bonne santé. Nous faisons le point avec tous nos fabricants pour bien coordonner la supply chain, car nous connaissons bien nos clients et leurs besoins. Et nous n’hésiterons pas à stocker pour leur garantir le meilleur service.

PAS (ENCORE) DE HAUSSES TARIFAIRES ?

P. M. : Nous n’avons pas touché à nos prix et – à ce stade – les industriels non plus. Tout le monde perd de l’argent actuellement, même si l'on peut en comprendre les raisons. Ce serait un mauvais réflexe que toute la chaîne relève ses prix de cette façon, car en aval les clients finaux souffrent aussi de cette crise. Les investissements sur le marché vont ralentir : une hausse des prix serait un facteur très aggravant. Il faudra inévitablement du temps pour absorber ce choc ! Et trouver les moyens de tenir jusqu’à un retour progressif à la normale sans déstructurer un peu plus la chaîne de valeur. Propos recueillis par Stéphane Vigliandi


LES EFFETS COLATÉRAUX D’UN VIRUS

Comment Socoda se “transforme” un peu plus

Dès mi-mars 2020, le négoce Bâtiment a dû « concilier des obligations quasiment opposées, rappelle Pauline Mispoulet. D’un côté, garantir et préserver la santé nos collaborateurs, clients et fournisseurs. De l’autre, tenter de maintenir un niveau d’activité malgré le gel quasi général des chantiers ». « Le secteur de la construction paie l’un des plus lourds tributs depuis le début de la crise Covid », alertait d’ailleurs Patrick Liébus, l’ex-n°1 de la Capeb (activité à -89 % fin mars selon l’Insee). Se parler, échanger sur les “best practices” au siège, entre adhérents, avec les salariés… « Dès la semaine 1 du confinement, il importait de renforcer le lien intra-groupement. Plusieurs groupes WhatsApp ont été mis en place au niveau de la gouvernance et nos 7 branches, rappelle la dirigeante. Ce processus d’intelligence collective est très vite monté en puissance. »

Mains dans le cambouis

Image

Drive et livraisons sécurisés ont été généralisés. Les adhérents adossés à un site web-to-store ont « peut-être » eu un avantage durant les 55 jours confinés. Mais « on ne s’improvise pas transporteur d’un claquement de doigt ! Très vite, il a fallu s’organiser malgré des tensions chez les transporteurs qui devaient avant tout servir les OIV [santé, énergie, agro-alimentaire]. Les tournées étaient encore plus difficiles à rentabiliser », convient-elle. Mesures de chômage partiel, congés payés contraints pour d’autres salariés…

Parfois, des dirigeants de négoce ont géré quasiment seuls leurs agences jusqu’à fin avril. D’autant que Pauline Mispoulet évoque « la communication gouvernementale pas forcément facile à lire pour les professionnels du Bâtiment » au moins jusqu’à mi-mai.

EN PHOTOAccueil sécurisé au comptoir et en zones chaudes, création de zones de courtoisie, valorisation de l’offre EPI… Dès le 23 mars, le réseau Socoda s’est lui aussi organisé en mode sans contact. Ici, vue de l'un des sites de Looten Industries : un adhérent Socoda du Nord.

L’après-crise sanitaire

Si pandémie et confinement ont « perturbé beaucoup de choses au quotidien » et « compliqué les actions de court terme », la période a « mis à jour des évidences », selon elle. Exemples : « la capacité de résilience du réseau et la belle énergie qui y circule » ; « la vulgarisation plus rapide du numérique dans notre filière, même si le digital, ce ne sont pas que des outils : c’est aussi ce que l’on en fait ! ». La stratégie à trois-cinq ans ? Elle n’est pas impactée et sera encore affinée. « La crise a mis en exergue les besoins des adhérents les moins structurés en matière de RH, de gestion, de finances, etc. Selon les profils, chaque adhérent, mais aussi chacun de nos métiers n’a pas le même métabolisme. Socoda doit être encore plus un levier de performance sur tous ces aspects. Cette crise nous oblige à nous réinventer et doit renforcer notre capacité à nous mobiliser, confie la manager. Elle ouvre le champ des possibles !». S. V.

Groupe Socoda • Chiffres-clés

Plus de 3 Md€ HT de CA annuel

Ventilation du CA Bâtiment en 2019 : Électricité 19%, Décoration 12%, Sanitaire-Chauffage-Plomberie 8%, Matériaux 4%, Autres 4%

• 200 adhérents* dont Électricité 40, Décoration 31, Sanitaire-Chauffage-Plomberie 51, Matériaux 32 + Aciers 32, Industrie 20, Outils Pro 75

* Total de 206 en raison des multi-adhésions à plusieurs branches

Stéphane Vigliandi
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire