Hydrogène : le boom !

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] La France va investir 7 milliards d’euros dans le développement de ce vecteur énergétique, capable d’être stocké et transporté sur de longues distances, mais ses voisins européens ne sont pas en reste. La startup Lhyfe, qui vient tout juste de poser la 1re pierre de sa première unité industrielle, a désormais 40 projets en attente dans toute l’Europe. Entretien avec Matthieu Guesné, un président en pleine suractivité.

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Zepros Energie : Nous nous étions entretenus au tout début de l’année 2020, mais beaucoup de choses se sont passées depuis…

Matthieu Guesné : En effet, en janvier dernier, nous avions évoqué le plan de marche de Lhyfe qui comportait une dizaine de projets dans le portefeuille. Mais tout s’est accéléré et il est désormais passé à une quarantaine de projets à l’étude, en France, en Allemagne, en Scandinavie, au Bénélux… Nous avons d’ailleurs recruté le vice-président du n° 1 des électrolyseurs en Allemagne. Le but est de booster l’engouement des industriels pour l’hydrogène et de devenir un champion de l’hydrogène vert, une vraie licorne écologique, c’est-à-dire non pas avec 1 milliard de capitalisation, mais à parvenir à faire éviter l’émission d’un milliard de tonnes de CO2.

Zepros Energie : Pour rappeler le concept de Lhyfe, c’est de faire fonctionner des électrolyseurs – qui produisent l’hydrogène – à partir d’électricité renouvelable, c’est bien ça ?

Matthieu Guesné : Tout à fait. Nous fonctionnons déjà avec de l’eau de mer et des éoliennes basées à terre à quelques mètres de l’océan, avec le vent marin donc. Mais le but est de passer à l’éolien offshore avec une station de production d’hydrogène flottante, sur une barge, pour produire sur place. Et nous allons démontrer que c’est faisable avec un autre projet (Sea-GRID) qui aboutira en 2022, sur le site d’expérimentation du SEM-Rev où se trouve déjà une éolienne flottante. Les puissances déployées pourront ensuite passer à quelques dizaines ou centaines de MW.

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Zepros Energie : L’unité de Bouin (Vendée) est la première d’une longue série ?

Matthieu Guesné : Nous allons développer des sites spécifiques à l’hydrogène renouvelable. L’unité sera opérationnelle en mai 2021, avec un bâtiment qui sera livré au mois de mars. La capacité initiale de l’électrolyseur sera de 300 kg/jour avec 1 tonne de stockage. Mais les tranches suivantes du même site sont déjà prévues pour arriver à porter la capacité à plus d’une tonne par jour. En parallèle, nous regardons dans tout le Grand Ouest pour dupliquer cette première usine, peut-être avec une unité par département. Nous allons mailler le territoire en partant de notre base, pour que les unités puissent se soutenir les unes les autres, lorsqu’elles sont en maintenance par exemple, ou lorsqu’il y a en une en surcapacité.

Zepros Energie : Quel sera l’usage de cet hydrogène vert ?

Matthieu Guesné : Essentiellement la mobilité, que nous avons ciblé en premier. Les bus et véhicules lourds qui roulent à l’hydrogène sont déjà là. Il faut agir tout de suite avec des solutions disponibles immédiatement, afin de remplacer l’activité des raffineries. Notre mode de distribution est le suivant : les livraisons sont effectuées par un camion – à hydrogène – aux stations opérées par nos clients (Vendée Hydrogène et Automobile Club de l’Ouest). Nous avons vraiment « zéro émission de CO2 » de bout en bout, puisque les éoliennes qui tournent pour fournir le courant ont 15 ans et sont déjà amorties par rapport à leur empreinte environnementale. Le camion avait cassé son moteur Diesel et, plutôt que de l’envoyer à la casse, il a été rétrofité avec une pile à combustible installée par Ineo.

Zepros Energie : Pas d’usage pour le chauffage des bâtiments donc ?

Matthieu Guesné : Pour l’heure, nous n’avons pas d’application pour le bâtiment, où il y a encore très peu de piles à combustible – hormis au Japon où il y en a 220 000 en fonctionnement. L’énergie c’est un puzzle de technologies qui doivent se compléter : sobriété, smartgrids, biogaz issu de biomasse pour le chauffage et hydrogène vert pour la mobilité. La ville de Pau a annoncé qu’elle alimenterait un électrolyseur avec des champs solaires. Il faut savoir que pour produire assez de courant il faudra 1 hectare de photovoltaïque. Comme ces panneaux auront un faible rendement en hiver, l’idéal serait de relier chaque électrolyseur à deux sources EnR intermittentes. C’est la bonne solution.

Zepros Energie : L’idéal ne serait-il pas avec des renouvelables pilotables ou plus constantes ?

Matthieu Guesné : Si, évidemment, avec l’hydroélectricité c’est encore mieux. Mais ces ressources sont limitées géographiquement aux massifs montagneux. On n’en retrouve pas partout en Europe et dans le monde. L’éolien offshore est une solution, qu’il soit posé ou flottant. Les autres énergies marines comme l’hydrolien (des turbines posées au fond, NdlR) ont encore des coûts faramineux. Or il nous faut être plus compétitifs que le nucléaire.

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Zepros Energie : Avez-vous des concurrents français ou européens sur ce segment de l’hydrogène vert ?

Matthieu Guesné : Il y a quelques sites d’électrolyse en Allemagne mais qui sont connectés au réseau électrique, ce qui est plus facile. En connexion directe avec une énergie renouvelable intermittente, c’est beaucoup plus rare. Je crois que c’est le cas en Norvège, mais rien à l’échelle industrielle. Des plans significatifs pour l’hydrogène ont pourtant été annoncés partout : 7 milliards en France, mais également 7 milliards au Portugal, 9 milliards en Allemagne et 11 milliards en Espagne. Il y a de la place pour plusieurs acteurs, plus il y aura de concurrence mieux ce sera !

Propos recueillis par Grégoire NOBLE

Grégoire Noble
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