[Covid-19] Precimask, un masque « utilisable à vie » grâce à ses filtres céramiques

Stéphane Vigliandi
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EN PHOTO • Alors que le gouvernement a invité les entreprises à anticiper pour se doter d’un stock de masques face à une possible deuxième vague de Covid-19, le Precimask conçu par des PME rhônalpines et une filiale de Saint-Gobain se présente comme « le premier masque au monde transparent, utilisable à vie et avec une durée de stockage illimitée ».

[Zepros Quo] En s’inspirant des filtres à particules des pots d’échappement automobiles, deux PME savoyardes finalisent le projet Precimask : un masque de protection en silicone “Made in France” doté de cartouches filtrantes en céramique technique pour se prémunir contre les virus par voie de contact. Sa commercialisation est prévue au cours de l’automne.

Après le verre chauffant pour lutter contre la pandémie de coronavirus, la céramique industrielle sera-t-elle le nouveau “remède” pour limiter les effets d’une possible deuxième vague ? Dans la Vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, deux entreprises familiales ont mis en commun leurs expertises : l’usinage de précision pour les outils coupants et les électrobroches chez Pracartis (160 salariés, 30 M€ de CA) ; le décolletage de pièces complexes pour la Défense ou l’aéronautique et l’automobile chez HBP (70 salariés, 17 M€ de CA). Leurs défis ? Travailler sur une alternative aux masques jetables. Et dire “Stop” aux déchets générés par le port de ces dispositifs à usage unique. Mais aussi proposer une solution « durable » et écoresponsable face au phénomène grandissant du littering* : une nouvelle forme de pollution liée aux masques usagés qui jonchent l’espace public et, parfois, la nature.

Face à ces solutions qui ne sont ni biodégradables, ni recyclables pour l’instant (car contenant du polypropylène), Pracartis (via sa filiale Precise France) et HBP (via Nanoceram, une start-up rachetée en 2018) ont dévoilé au début de l’été le Precimask : un projet « expérimental » de masque transparent en silicone avec filtres à particules en céramique nettoyable. « J’ai pensé aux filtres à particules des voitures et voilà comment l’idée est née », expliquait fin juin Alain Auffret, le directeur technique du groupe Pracartis. Outre les filtres en céramique industrielle des pots d'échappement de voitures, ce matériau est également utilisé pour la filtration des eaux de piscine par exemple.

* Déchets laissés à l’abandon dans l’espace public

Céramique virucide

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Protégée par trois brevets, la conception de cet équipement de protection individuelle (EPI) entièrement produit en France s’est appuyée sur les compétences de trois autres intervenants industriels pour la R&D et la fabrication des composants : Savoy International pour réaliser la structure en plastique rigide (polycarbonate), le lyonnais Le Joint Technique pour les lacets en silicone assurant l’étanchéité du masque respiratoire sur le visage et Saint-Gobain Research Provence : un « allié de poids » qui a déjà mobilisé 54 chercheurs et collaborateurs pour produire la céramique technique sur son site de Cavaillon (Vaucluse). Dans une courte vidéo postée fin juillet, cette filiale de Saint-Gobain dédiée aux nouveaux matériaux et spécialiste de la céramique explique que ce matériau filtrerait, « jusqu’à 99 % des particules [dans l’air] selon les derniers tests ». Pourquoi la céramique ? « C’est un matériau neutre et amorphe, stable dans le temps. Il est sans danger pour l’homme et l’environnement, et biocompatible », argumentent de leur côté Precise France et Nanoceram.

Cuites à plus de 2 000° C dans des fours sans oxygène, près de 200 pastilles céramiques ont été fabriquées depuis mai dernier par Saint-Gobain Research Provence pour être testées sur les premiers prototypes. Ces dernières se présentent sous la forme de « petits filtres » de 30 mm de diamètre chacune. Enveloppées dans des cartouches en aluminium, ces capsules qui pourraient « se réutiliser à l’infini », sont intégrées dans les deux valves du masque. Un catalyseur métallique assure l’action bactéricide et virucide, selon les deux PME savoyardes qui ont d'abord imprimé leur prototype en 3D.

EN PHOTO • Exploitant la technologie des masques de ski, la visière bénéficie d’un traitement antibuée et anti-rayures. Selon ses concepteurs, la transparence du Precimask est destinée à « réhumaniser » la relation sociale. Dans un premier temps, environ 2 000 unités par semaine devraient être produites dès le courant de cet automne.

Certification en cours

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Autre atout de la céramique ? « Ce matériau permet d’ajuster sa porosité en fonction du besoin », selon les concepteurs du Precimask. Autrement dit, leur solution se veut « évolutive » selon le type de filtration utilisé. En changeant les cartouches filtrantes, l’utilisateur peut adapter le niveau de classification barrière de FFP1 à FFP3. Ce qui permet, par exemple, d’en équiper les compagnons et ouvriers du BTP exposés entre autres aux risques de particules fines en suspension (fibres d'amiante, de bois, de ciment, de plomb, les projections de béton, etc.).

« La personne qui travaille sur un chantier et qui scie du béton qui dégage de la poussière, peut aussi l’utiliser. C’est [un usage] beaucoup plus large que la crise sanitaire actuelle », confiait d’ailleurs fin juillet Louis Pernat, le PDG de HBP Group, sur les ondes de Radio France Haute-Savoie. Depuis le début de l’été, Precise France et Nanoceram travaillent sur des productions en présérie avant de lancer leur innovation en grande série dans les semaines à venir. Toujours en cours, les tests de qualification doivent encore « valider la respirabilité et la filtration sur les micro-organismes » de cet EPI pour qu'il reçoive le “go” de l’Afnor et décroche les certifications NF EN 14683 (norme pour les masques à usage médical) et NF EN 149+A1 (pour les masques respiratoires dits FFP).

EN PHOTO • À l’image d’autres EPI dotés de capteurs, le masque en silicone Precimask pourrait, à terme, proposer des modèles dotés de puces embarquées pour alerter l’utilisateur, par exemple, à quel moment nettoyer les deux filtres en céramique.

Pas d’obsolescence programmée

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Si les canaux de vente du Precimask ne sont pas encore déterminés, « le produit est toujours en développement, et son business-model également », confie Aurélie Hébert, chez Bouverat-Pernat (HBP Group). Responsable marketing et chargée d’affaires, cette chimiste de formation prévoit toutefois que « la commercialisation sera vraisemblablement pour octobre ou novembre » prochain. Reste une autre inconnue : le prix de vente définitif du masque. « À la suite de difficultés techniques que nous rencontrons dans la finalisation du produit, le prix pourrait être supérieur à celui annoncé précédemment », prévient-elle. Courant juillet, Louis Bouverat-Pernat qui pilote le groupe éponyme, estimait dans les colonnes de Move On Magazine que « le prix de vente serait aux alentours de 150 €… mais une fois pour toute ! Parce qu'il n’y a aucun consommable, il n’y a pas d’obsolescence programmée. Les capsules céramiques seront à vie, avec un protocole de nettoyage régulier qu’on est en train d’élaborer. Mais il n’y aura pas à les changer ». Alors qu’à partir du 1er septembre 2020, le port du masque sera obligatoire en entreprise dans les lieux clos collectifs (sauf dérogations), ses arguments feront-ils mouche ? S. V.

MÉMO • À propos de la subvention “Prévention Covid”

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Afin prévenir la transmission du coronavirus sur le lieu de travail, la branche des risques professionnels de l’Assurance Maladie a débloqué une subvention “Prévention Covid” depuis le 18 mai 2020. Elle concerne les entreprises de moins de 50 salariés et les travailleurs indépendants sans salarié qui sont affiliés au régime général de la Sécurité sociale. Cette subvention est conditionnée à un investissement d’au moins 1 000 € HT pour une entreprise et de 500 € HT pour un travailleur indépendant. Son montant est plafonné à 5 000 € et ne peut couvrir plus de 50 % de l’investissement hors taxes réalisé afin prévenir la transmission du coronavirus sur le lieu de travail.

Stéphane Vigliandi
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