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Comment financer la transition écologique dans les collectivités ?

Philippe Pottiée-Sperry
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L’Agence France locale (AFL) a publié, début juin, une étude sur le financement de la transition écologique dans les collectivités, réalisée par neuf élèves administrateurs territoriaux de l’INET (Institut national des études territoriales), avec le concours de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE).

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Il s’agit d’une étude qualitative basée sur des témoignages et une analyse des dispositifs existants. Visant à dresser un état des lieux des freins mais aussi des opportunités pouvant exister, elle s'appuie sur une cinquantaine d’entretiens (collectivités, experts...) et les apports de nombreuses associations nationales d’élus et de dirigeants territoriaux réunies dans un « Comité d’experts » (1). Objectif affiché : identifier les principaux freins au financement de la transition écologique des collectivités (et à tous ses éléments afférents : ingénierie, organisation interne, expertise et coopération) et les pistes d’évolution envisageables, tout en faisant des focus sur les domaines d’intervention les plus impactants (logements-bâtiments, mobilités, agriculture).

« Nous avons retenu une approche de la transition écologique systémique qui ne se limite pas aux seuls enjeux climatiques. Nous avons par ailleurs fait le choix d’appréhender le financement de la transition écologique de manière globale. Nous l’avons conçu en termes de flux. Il s’agit à la fois de recettes (fiscalité, emprunt, etc.) et de dépenses (investissements, subventions, etc.) », précisent les élèves administrateurs de l’INET, auteurs de l’étude. Celle-ci formule 32 préconisations.

Un manque d’ingénierie

Malgré les nombreuses sources de financement existantes, beaucoup de collectivités souffrent d'un manque d’ingénierie. De plus, le fonctionnement par appel à projets, très répandu dans le champ de la transition écologique, est souvent mal adapté car ils favorisent avant tout les plus grandes collectivités mieux dotées en ingénierie au détriment des plus petits territoriaux qui n'en disposent pas. L’étude formule ici une proposition originale : pour être lauréat d’un appel à projet, chaque projet de grande collectivité devrait prévoir le soutien à une plus petite. Elle plaide également pour allonger la durée de financement de certains appels à projets. Toujours sur ce sujet du frein que constitue la profusion d’appels à projet, l’étude suggère de développer des guichets uniques, notamment à travers les CRTE (contrats de relance et de transition écologique) et en utilisant l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires) pour former et développer l’ingénierie territoriale sur les appels à projets en cours.

Au-delà de l’absence d’outils de pilotage adaptés aux techniques de transition, l'étude constate que c’est bien la difficulté à programmer et à évaluer les dépenses en faveur de la transition écologique qui peut freiner l’action des collectivités.

Diversifier, pérenniser, sécuriser, simplifier

Face à constats, l’étude explore trois champs d’action. Le premier est la diversification et la pérennisation des sources de financement. En plus de questionner la pertinence de la fiscalité écologique locale et de proposer plusieurs pistes d’amélioration, il est examiné les moyens pour les collectivités de capter d’autres sources de financement (fonds européens, emprunts verts, mécénats et financements privés et citoyens). De plus, l’étude plaide pour une simplification et une sécurisation des financements à destination de la transition écologique des collectivités qui pourrait passer par la création d’une « dotation verte unique ». En pratique, elle se substituerait aux dispositifs actuels de subventionnement et des dotations existantes dans le champ environnemental venant abonder les CRTE.

Besoin de mieux articuler les acteurs

Deuxième champ d’action : la consolidation des outils internes d’évaluation, de programmation et de pilotage. Les collectivités françaises manquent globalement d’outils harmonisés leur permettant d’évaluer leurs dépenses. L’étude donne ainsi une place importante à l’examen de l’intérêt et des limites des « budgets verts » qui commencent à se développer au niveau local. Par ailleurs, elle propose un panorama des travaux existants concernant la nécessaire mais complexe évaluation du coût de l’inaction environnementale. Le troisième champ d’action est celui de l’amélioration de l’articulation entre les acteurs institutionnels. Les exemples – nombreux et réussis – de mutualisation doivent conduire les collectivités à accentuer leurs efforts afin de coordonner leurs actions. L’étude estime aussi que chaque strate de collectivité a un rôle à jouer dans l’accompagnement et le soutien des autres échelons.

Dans ses recommandations, elle se focalise sur trois grandes politiques publiques, particulièrement carbonées. C’est d’abord la rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics. Pour surmonter certains obstacles majeurs (connaissance partielle du patrimoine public et des consommations, difficultés à modéliser le retour sur investissement, coûts d’amorçage des travaux importants, etc.), plusieurs outils sont proposés ainsi que deux dispositifs jugés « particulièrement intéressants » : l’intracting et le tiers-financement.

Péréquation du versement mobilité

Deuxième focus : la mobilité. Pour la rendre plus verte et encourager le report modal, les collectivités disposent de nombreux outils opérationnels, juridiques et financiers. Mais les investissements nécessaires sont faramineux. « Les collectivités ne se battent pas à armes égales et la crise sanitaire percute aujourd’hui le modèle de financement des politiques de mobilité », pointe l’étude. Elle propose ainsi d’envisager un système de péréquation du versement mobilité (VM) ou de flécher une part de TICPE pour compléter le VM dans les territoires présentant une faible base ou ayant recours à un taux réduit VM.

Enfin, le troisième focus porte sur l’agriculture et la biodiversité en se concentrant sur les paiements pour services environnementaux qui rémunèrent les agriculteurs pour des actions contribuant à préserver la biodiversité et les ressources naturelles.

Philipe Pottiée-Sperry

(1) Les membres du comité d’experts : AATF, ACCD’OM, AdCF, Villes de France, AMORCE, ADEME, Comité 21, SNDGCT, APVF, ADF, France urbaine, Ville & Banlieue,& territoires, GART, Régions de France, Cerema, AMF, Vélo & territoires, GART, ADGCF, Afigese

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