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74% des élues ont déjà été confrontées à des remarques sexistes

Philippe Pottiée-Sperry
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Injures, harcèlement, violences verbales et parfois physiques : plus de 74% de femmes élues ont un jour subi ce type de comportement. Pourtant, seulement un agissement sur deux a été rapporté aux responsables politiques et des mesures ont été prises dans uniquement 10% des cas.
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Ces chiffres sont issus d’une enquête réalisée par le réseau Élues Locales auprès de 1000 représentantes politiques sur les violences sexistes subies pendant l’exercice de leur mandat. « Ils démontrent une omniprésence du sexisme dans la politique française et ont vocation à appeler une prise de conscience collective et sérieuse », estime cette enquête rendue publique le 3 décembre. Une femme sur trois a déjà pensé à abandonner la politique à la suite de comportements sexistes

Répartition inégalitaire des délégations

« Dans la sphère politique, les femmes sont loin d’être considérées comme égales aux hommes : sous-représentées, écartées et parfois empêchées dans l’exercice de leurs fonctions, elles sont 48% à ne pas se sentir légitimes à leur poste », selon l’enquête. Ce constat s’illustre notamment dans la répartition inégalitaire des délégations : enfance, culture, social et communication arrivent en tête, loin derrière le budget, la sécurité ou l’énergie.

« La politique reste la chasse gardée des hommes », explique Julia Mouzon, fondatrice du réseau Élues Locales (www.elueslocales.fr). Et d’ajouter : « Avec cette étude, nous avons non seulement voulu démontrer l’inégalité femmes-hommes mais surtout chiffrer les trop nombreux comportements sexistes subis par les femmes élues ». Blagues dévalorisantes, humiliations, injures : 74% des femmes élues ont été confrontées à des remarques ou comportements sexistes au cours de leur mandat. Parmi elles, 20% ont subi des remarques liées à leur apparence physique - une forme de domination les réduisant à l’exigence d’être attrayantes. L’intimidation, les menaces et la violence physique ne sont pas en reste puisque 5% des femmes élues déclarent avoir été victimes de harcèlement, 3% menacées de mort ou de viol et 1% d’entre elles ont été frappées.

Pas de procédure de signalement

« Lors de mon mandat en tant qu'élue au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, je subissais au quotidien les propos sexistes et racistes, les menaces et des violences physiques de mes adversaires pour m'empêcher de militer sur le terrain. La violence faisait partie de la formation politique de ces militants dans une logique de domination et de pouvoir », témoigne Enora Hamon, actuelle directrice générale adjointe de la Fondation La France S’engage. Dans l’étude, pas moins de 82% des femmes élues estiment ne pas se sentir accompagnées dans la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et ce au sein même de la structure où elles briguent leur mandat.

« Ce chiffre est révélateur du phénomène : au-delà des comportements sexistes, aucune procédure de signalement n’est mise en place, comme une cellule d’écoute par exemple, pour pouvoir engager par la suite des mesures pénales », regrette Julia Mouzon. 72% des femmes élues déclarent subir ces comportements au sein-même des lieux où elles exercent leurs fonctions contre 15% sur les réseaux sociaux.

Formation sur les outils juridiques et pénaux

« On a tendance à s’imaginer que le sexisme en politique appartient au passé. Il est encore bel et bien présent et à tous les niveaux (conseils municipaux, en circonscription, au sein des partis…). Le sexisme s’opère de façon plus discrète, plus insaisissable. Les obstacles rencontrés provoquent un sentiment d’illégitimité qui conduit bon nombre de femmes politiques à renoncer aux responsabilités », avertit Bérangère Couillard, députée de la Gironde (33). « Nous soulevons régulièrement des faits constatés dans nos instances communales et communautaires : mains baladeuses, remarques sexistes... Ces comportements sont banalisés, justifiés par « le côté tactile » ou « c'est comme ça, c'est sa façon d'être ». « Jusqu'à quand ces élus se sentiront-ils tout puissants et intouchables ? », dénonce Peggy Glou, vice-présidente de la communauté de commune de Gâtine Racan (37).

A présent, le réseau Élues Locales souhaite donner une suite à son étude et lever les barrières que peuvent rencontrer les femmes élues. « Le combat sur l’égalité femmes-hommes ne s’arrête pas aux frontières françaises », affirme Julia Mouzon. « Le 4 décembre marque le lancement de la Journée Internationale des Femmes en Politique qui aura pour objectif de rassembler les femmes partout dans le monde entier et proposer des actions concrètes pour lutter contre les violences sexistes ». À horizon 2022, le réseau Élues Locales lancera une formation sur les outils juridiques et pénaux, pour permettre aux femmes de se défendre davantage.

P.P.-S.

(1) Créé en 2012 par Julia Mouzon, Élues Locales est le premier réseau national de femmes élues agréée par le ministère de l’Intérieur. Il encourage la féminisation de la vie politique et soutient les femmes qui s’engagent dans un mandat local.

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Philippe Pottiée-Sperry
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