« Le plan de relance doit être rapide, massif, environnemental et social » Hervé de Maistre, président de l’AIMCC

Marie Laure Barriera
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Quel est l’état d’esprit des industriels et quels scénarios peut-on formuler pour le Bâtiment sur l’après-confinement ? Hervé de Maistre, président de l’AIMCC, du Comité Stratégique Industrie pour la Construction, nous répond. Il souligne la gravité de la situation mais aussi la capacité de la filière du BTP à repartir si un véritable plan de relance est mis en place. C’est pourquoi, le 17 avril, le Comité Stratégique de Filière a adressé au gouvernement une série de propositions fortes et ambitieuses pour impulser une nouvelle dynamique dans la construction.

Zepros : Comment jugez-vous l’état d’esprit actuel des industriels réunis au sein de l’AIMCC ?
Hervé de Maistre
: « En tant que chef d’entreprise et à travers les nombreux échanges que je peux avoir au sein des différentes instances de l’AIMCC, je constate que les industriels sont déjà projetés dans l’après. Dans les premiers jours qui ont suivi l’annonce du confinement, l’absence de demande et la nécessité de mettre en place les mesures barrières, nous ont conduits à cesser la production. Mais le service n’a pas été interrompu, et la très grande majorité des sites est désormais en reprise d’activité. Toutefois, l’inquiétude provient de la situation sur les chantiers. Aucun pays du monde n’a subi un arrêt aussi violent et aussi long. Certes, nous observons aujourd’hui un redémarrage des petites et moyennes entreprises sur les petits chantiers ; en revanche, les projets plus structurés sont toujours en pause. Nous ne sous-estimons pas la difficulté de mettre en place les mesures relatives à la sécurité sanitaire. Mais nous pensons qu’il est urgent de reprendre l’activité. Je voudrais souligner que les membres de l’AIMCC soutiennent et soutiendront leurs clients, et font confiance à la chaîne de la construction ; à cet égard, les délais de paiement sont une condition importante, nous nous engageons à les respecter, et appelons tous les acteurs à faire de même : nous ne sommes pas dans une dynamique de répercussion des surcoûts et nous faisons confiance à la solidarité de l’ensemble de la filière.»

Zepros : En avez-vous discuté avec les représentants des entreprises du Bâtiment ?
H. de M.
: « Pour l’heure, nous n’avons que peu échangé avec les organisations syndicales des artisans et entreprises du Bâtiment. Considérant que la priorité est à la reprise des chantiers, nous avons choisi de ne pas nous immiscer dans leurs réflexions et dans leurs discussions avec les pouvoirs publics, et de leur laisser le temps de s’organiser. En revanche, nous sommes très proches et échangeons régulièrement avec la FNBM et la CGI, les organisations qui fédèrent la distribution. Industriels et négoces ont suivi ces dernières semaines un chemin parallèle : arrêt, puis service minimal transformé ensuite en modèle « sans contact », et désormais un travail sur la réouverture des libres-services des points de vente. Nous sommes tous organisés, et déjà en capacité de réactiver la chaîne. Mon discours peut sembler positif, toutefois, je ne veux pas minimiser les difficultés. La fin du confinement augmentera sans doute ces difficultés et les risques. »

Zepros : Justement, comment voyez-vous l’après-11 mai ?
H. de M.
: « Cette date marquera le début d’une période où nous vivrons plusieurs mois avec le virus. Une crise violente et durable pour notre secteur est à craindre si nous entrions dans une logique de “survie”, conduisant à des choix radicaux sur les investissements. Quel sera le degré de confiance des particuliers ? Quels seront les effets de la crise sanitaire sur le chômage ? Et du côté des gros chantiers, la remise en marche de la machine, très enrayée, nécessitera du temps, d’autant que, là aussi, des arbitrages auront lieu chez les acteurs publics comme privés.»

Zepros : Quels enseignements peut-on d’ores et déjà tirer ?
H. de M.
: « De cette période naissent aussi des opportunités. À la faveur du confinement et du télétravail massivement mis en place par les entreprises, le rapport au logement évolue. Un besoin de confort accru mais également celui de bénéficier d’une plus grande modularité des surfaces pour fonctionnaliser l’espace et les adapter à des usages changeants. Ce potentiel pour le segment de l’aménagement concernera, je pense, également les bureaux et les commerces, avec en parallèle des exigences plus fortes sur la notion de confort et la qualité de l’air. Enfin, autre point positif, celui de l’accélération de nouvelles pratiques digitales. C’est vrai pour les transactions avec la forte accélération de l’e-commerce et du drive, mais pas seulement. La difficulté à relancer les grands chantiers confirme la nécessité d’améliorer la productivité par d’autres leviers : une logistique intelligente, une part plus importante de préfabrication, de pré-assemblage. Ces solutions existent déjà, elles devraient progresser plus vite.»

Zepros : Quels sont aujourd’hui les priorités face aux différents risques qui pèsent sur le marché du Bâtiment ?
H. de M.
: « Le plan de relance que nous proposons répond à trois enjeux : soutenir les plus fragiles, redonner de l’activité aux entreprises françaises, accélérer la transition environnementale [ndlr : voir le détail dans notre encadré ci-dessous]. Il doit être rapide, massif, environnemental et social. Des questions se posent actuellement sur la réglementation environnementale. Pour notre part, sans ajouter des freins supplémentaires à la relance, nous pensons qu’il faut au contraire accélérer la transition énergétique, qui est une véritable opportunité, et qui fait consensus aujourd’hui. La mise en œuvre de ce plan plan nécessitera des prises de décisions audacieuses, un état d’esprit collectif et une gouvernance efficace. On connait la difficulté de la filière construction à parler d’une seule voix. Il faut donc se poser la question d’une instance de pilotage efficace, comme on a su mettre en place des instances de concertation autour de la réglementation, de l’apport d’idées et de bonnes pratiques. »

Zepros : Avez-vous bon espoir d’être entendu par le gouvernement ?
H. de M.
: « À travers le CNI [ndlr : Conseil national de l’industrie], nous avons de nombreux contacts avec les ministères. Le gouvernement se montre à l’écoute, très soucieux de faciliter la reprise rapide des chantiers. Sur le Plan de relance, nous partageons une grande proximité de vue pour qu’il soit ambitieux et réponde à l’urgence car le Bâtiment fait clairement partie des secteurs prioritaires pour les pouvoirs publics. Nos propositions constituent des bases de travail que nous allons enrichir dans les prochaines semaines avec d’autres contributions de nos adhérents. »

Parmi les thématiques du Plan de Relance proposé par les industriels de la construction

1) Aider les plus fragiles

• Redonner de l’air aux petites entreprises en relançant immédiatement la rénovation avec un chèque travaux pour tous les ménages.
• Réaliser la rénovation énergétique globale des passoires thermiques des ménages les plus précaires dans les 3 ans à venir.

2) Un plan d’urgence pour la construction de logements de qualité : accélérer les procédures, libérer le foncier, mobiliser l’épargne privée, soutenir les primo-accédants en favorisant les conceptions et mode de construction les plus efficaces.

3) Transition écologique : massification du Plan de rénovation des pavillons en se référant aux travaux en cours, notamment le projet Prep [ndlr : Parcours de rénovation énergétique performante], en s’appuyant sur un réseau de tiers de confiance et en impliquant les collectivités locales afin de lever les freins à la réalisation des projets.

4) Économie circulaire : instaurer une préférence locale, française dans les appels d’offres publics et privés, favoriser les circuits courts et soutenir la réindustrialisation.

5) Infrastructures : engager un plan de modernisation des infrastructures de transport,et de sécurisation des ponts et ouvrages d’art.

L’AIMCC, c’est quoi ?
L’Association française des industries des produits de construction représente 80 organisations professionnelles regroupant 7 000 fabricants de produits (matériaux, composants, équipements et systèmes) entrant dans la construction, pour une activité de 45 Mds € réalisée par 430 000 salariés.

Marie Laure Barriera
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